Au déclenchement des hostilités, la Marine royale canadienne est une force navale modeste, comptant six navires de haute mer et 3 500 marins. À la fin du conflit, elle compte 434 navires et bateaux, soit la troisième flotte la plus puissante au monde, et près de 90 000 marins.

De ce nombre, plus de 95% sont des réservistes navals.

 

La bataille du Saint-Laurent

En 1942, les sous-marins allemands s’enfoncent profondément dans le fleuve Saint-Laurent. Le 11 septembre, la corvette HMCS Charlottetown K244 est frappée par deux torpilles.

« … la torpille a frappé juste en-dessous où j’étais. Ça fait que j’ai revolé dans les airs, j’ai fait une pirouette, pis je suis retombé sur la partie du bateau qui restait. Sur les pieds. […] J’ai été 4 heures dans l’eau, avec un bras pis une jambe cassés. » – Léon-Paul Fortin

Son agresseur est l’Unterseeboot-517, commandée< par Paul Hartwig, qui deviendra vice-amiral de la Marine allemande après la guerre.

Dans une entrevue accordée au Musée naval en 2013, Hartwig confia que son équipage était comme une famille. Le mot d’ordre dans la marine allemande était l’unité et le respect, et ce même envers l’ennemi. À une occasion, il aurait dit à ses hommes de ne pas se réjouir ouvertement d’avoir coulé un bateau: « demain, ça pourrait être nous », leur rappelait-il.

La corvette HMCS Ville de Québec

Les corvettes canadiennes portaient presque toutes le nom de villes nationales. Québec ne fit pas exception. Le 13 janvier 1943, la corvette HMCS Ville de Québec K242 croise la route d’un sous-marin allemand en Méditerranée. Son attaque sera une des plus fulgurantes de l’histoire navale.

En moins de 10 minutes, la corvette commandée par A.R.E. Coleman, un ancien gestionnaire de Bell Canada avant la guerre, détecte et éperonne le sous-marin U-224.

« Tout le monde s’accrocha à quelque chose. Le navire s’éleva sur une vague, puis s’écrasa sur le sous-marin » – Frank Arsenault, marin du Ville de Québec

 

La corvette HMCS Ville de Québec K242, Fonds Laurent Clermont, Collection du Musée naval de Québec

 

Wolf Dietrich Danckworth est le seul survivant de l’équipage allemand. Envoyé à la surface vérifier les dégâts du sous-marin, il est projeté à la mer par l’impact.

Le Ville de Québec est félicité pour son exploit par l’Amirauté britannique, par Winston Churchill et même le Roi et la Reine en personne. Les journaux québécois ne manquent pas de relayer la nouvelle.

Et une chose extraordinaire se produit: en 2010, Frank Arsenault et Wolf Dietrich Danckworth commencent à correspondre sur Internet. Contre toute attente, les anciens ennemis deviennent des amis.

« C’est tout simplement la chose la plus incroyable, a déclaré Arsenault. Je n’aurais jamais pensé entendre parler de lui. Jamais en un million d’années.»

Pour lire l’article complet, cliquez ici (en Anglais seulement): Former enemies strike up a friendship 67 years after fateful battle: German officer reaches out to one of the men who sank his submarine – Santa Cruz Sentinel

Wolf Dietrich Danckworth, survivant de l’U-224

« Cela m’a vraiment dynamisé et m’a donné quelque chose à espérer. D’une manière ou d’une autre, nous devenons amis. Je pense que nous serons amis pour le reste de nos vies. »

Stanislas Déry et Peter Heisig

Le 27 décembre 1944, la corvette HMCS St. Thomas navigue au large des Açores lorsqu’elle détecte le sous-marin allemand U-877. Une fois neutralisé, l’équipage allemand abandonne le navire et se jette dans les eaux glacées de l’Atlantique.

Stanislas Déry, un jeune avocat de Québec et réserviste naval sur le St. Thomas, raconte :

« À ce moment-là, nous autres [..] on voit arriver ce qui nous semblait être l’équipage du sous-marin, qui revenait à la surface. Alors on commence par les ramasser. Ça a pris environ 3 quarts d’heure… »

La coutume dans la marine voulait que les captifs de grade égaux partagent les mêmes espaces que les officiers. « Stan » Déry, officier en second du St. Thomas, partage donc sa cabine avec le second officier du U-boot, Peter Heisig.

Stanislas Déry

« J’ai trouvé que le commandant en second […] avait l’air d’un gars qui me ressemblait un peu. Un gars humain, et puis un gars jovial. […] On est devenu des amis. On se comprenait. On découvrait à tous les jours qu’on avait une foule de choses en commun. »

Cette amitié va perdurer pendant plus de 50 ans. Par leur geste, les deux hommes contribuent à rapprocher les nations et à construire la paix après la guerre.

En 1995, Stanislas Déry fait don de sa collection privée au Musée naval, qui ouvre alors ses portes. Sa collection, forte de plus de 900 photos, constitue l’un des fonds d’archives les plus riches sur la bataille de l’Atlantique.

Aujourd’hui le Musée naval de Québec porte aussi le nom de Musée naval Stanislas Déry, en hommage à l’homme et à son héritage.