La Marine ne fut pas toujours inclusive. Avant 1943, les Noirs en étaient exclus. On décourageait aussi les Canadiens d’origine autochtone de s’enrôler. À partir de cette date, un fort désir de renouer avec les Premières Nations se manifeste dans le service naval du Canada.

L’arrivée des destroyers de classe Tribal, portant le nom de communautés autochtones comme les HMCS Huron, Haida ou Sioux, fut un prétexte au rapprochement des peuples. Lors du lancement du HMCS Micmac en 1943, cinq Micmacs de la Nouvelle-Écosse étaient les invités d’honneur du chantier naval d’Halifax.

Toutefois, certains n’attendront pas le changement de culture pour ouvrir la voie.

George Edward « Ted » Jamieson

Ted Jamieson fait figure de pionnier dans l’histoire navale canadienne. Membre de la réserve des Six Nations, il est membre des cadets de la marine lorsqu’il convainc son instructeur de le recruter dans la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada en 1939.

Il sert brillamment lors de la Deuxième Guerre mondiale et pendant la guerre de Coré (1951-1953), où il atteint le grade de premier maître de 1re classe, le grade le plus élevé des militaires du rang dans la Marine.

Fort de son expérience navale, Ted Jamieson redonne à sa communauté d’origine après sa carrière militaire, en travaillant comme conseiller au Drug and Alcohol centre de la réserve des Six Nations.

 

Quelques exemples de marins canadiens d’origines autochtones, de gauche à droite;

  1. Ronald « Ron » Lowry (de la bande de la baie de Quinte, marin pendant la guerre de Corée)

  2. Russ Moses (membre des Six Nations, ses deux parents sont des vétérans de la Première Guerre mondiale, marin pendant la guerre de Corée)

  3. George Edward « Ted » Jamieson (membre des Six Nations, instructeur principal à l’École de torpilles anti-sous-marines à Halifax)

  4. William Shead (de la bande de « Fisher River », chef mécanicien dans la RCNVR)

La « Cadillac des destroyers » : le HMCS St. Laurent 205

En 1951, le Canada innove en lançant le HMCS St. Laurent, le premier destroyer entièrement conçu et construit au Canada. Le navire est d’une telle technologie et présente de si grandes améliorations par rapport à ses prédécesseurs qu’il est surnommé la « Cadillac des destroyers ».

Pour l’occasion, la marine fait produire une maquette en argent massif du destroyer et l’offre à la princesse Élizabeth, la future reine Elizabeth II. Peu de temps après, celle-ci remet la maquette au Canada, où elle devient un trophée convoité offert à la division de la Réserve navale la plus performante de l’année.

Ce trophée fait partie des collections du Musée naval de Québec, où vous pouvez toujours l’admirer aujourd’hui.

 

La défunte reine Elizabeth II avec l’équipage du HMCS St. Laurent à Stockholm, en Suède, le 11 juin 1956.

 

Le Silver Destroyer, actuellement exposé au Musée naval de Québec

 

Le Silver Destroyer a nécessité 1 100 heures de travail par huit orfèvres de la maison Henry Birks & Sons. Collection du Musée naval de Québec

Héritage et transformation

L’héritage de la Deuxième Guerre mondiale marque la Réserve jusque dans les années 1970. La science de l’organisation des convois devient même une des spécialités de la Réserve navale du Canada reconnue par l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord).

Les années 1980 sont véritablement une époque de transformation. Le projet Présence navale au Québec, dont l’objectif est d’augmenter le nombre de francophones dans la marine canadienne, stimule la création de quatre nouvelles divisions au Québec, portant chacune le nom d’un héros naval de la Nouvelle-France : Jolliet, Champlain, d’Iberville et Radisson.

Au même moment, les femmes deviennent de plus en plus présentes au sein des équipages. Autrefois surtout employées dans l’administration ou au sein du service médical, des femmes sont désormais officières de quart en mer et occupent des postes opérationnels.

Les navires de classe Porte, dont les noms sont inspirés des portes des fortifications françaises de Québec et de Louisbourg, sont les premiers de la Marine royale canadienne à être aménagés pour accueillir des femmes.

« Un capitaine de vaisseau à la retraite de la Réserve navale se rappelle un jalon particulièrement mémorable qu’il vécut alors qu’il commandait un bâtiment garde-barrière en 1978-1979. Tard un soir après que son bateau fut sorti du port d’Esquimalt, il entama sa ronde de nuit. Quelle ne fut pas sa surprise de s’apercevoir que la salle des machines était entièrement occupée par des femmes! » – Ian Holloway, La quête de la pertinence : 1968-1990, in « Le Marin-Citoyen : Chroniques de la Réserve navale 1910-2010 », dir. Richard H. Gimblett et Michael L. Hadley, p. 111-112.

 En 1989, toutes les professions militaires sont enfin ouvertes aux femmes, excepté celle de sous-marinier qui le sera en 2001.

 

Réservistes féminines du HMCS Griffon. Fonds de l’École navale des Forces canadiennes, Collection du Musée naval de Québec

Réserviste à bord d’un navire. Fonds de l’École navale des Forces canadiennes, Collection du Musée naval de Québec

La Réserve navale d’aujourd’hui et de demain

Malgré de francs succès, aucune mission officielle n’est confiée à la Réserve navale avant la publication du Livre blanc de la défense en 1987. Cette année-là, pour la première fois de son histoire, la Réserve navale se voit confier des missions exclusives dans la stratégie de défense du Canada :

  1. La lutte contre les mines

  2. La défense côtière

  3. Le contrôle de la navigation commerciale

Cela signifie que si la Réserve ne peut remplir ces missions, celles-ci ne seront simplement pas réalisées. Cette nouvelle réalité stimule la construction d’une nouvelle classe de navires, les premiers entièrement dédiés aux réservistes et qui sont toujours en service actifs aujourd’hui : les navires de classe Kingston.

Aujourd’hui, la Réserve navale compte plus de 4 000 membres, en plus des civils qui soutiennent leur travail. Qu’il s’agisse d’affirmer la souveraineté canadienne dans l’Arctique, de participer à la lutte antidrogue dans les Caraïbes ou de contribuer à l’aide internationale en Afrique, les réservistes navals du Canada sont déployés partout. Sur terre, ils soutiennent leur communauté avec des activités philanthropiques et en intervenant lors de catastrophes naturelles.

Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, le Nord devient un enjeu international et le Canada entend y jouer un rôle important.

Actuellement, de nouveaux navires canadiens de patrouille extracôtiers et de l’Arctique sont en construction, les navires de classe Harry DeWolf. Pour la première fois, des navires canadiens portent le nom de héros navals canadiens, dont plusieurs sont des réservistes et ont leur place dans la Fresque du Centenaire. Ce sont les :

 

  • NCSM Harry DeWolf

  • NCSM Margaret Brooke

  • NCSM Max Bernays

  • NCSM William Hall

  • NCSM Frédérick Rolette

  • NCSM Robert Hampton Gray

 

L’histoire se poursuit…