Le 3 juillet 1812, le lieutenant Frédéric Rolette arraisonne le Cuyahoga Packet et s’empare de documents de guerre précieux. Cette capture audacieuse est le premier acte de la guerre de 1812, qui oppose la Grande-Bretagne (et sa colonie canadienne) aux États-Unis. Et quelle capture! En effet, la goélette américaine transporte une troupe d’une quarantaine de soldats et d’officiers, en plus de son équipage. Rolette s’en empare en menant l’assaut à bord d’une péniche, accompagné deseulement cinq ou six de ses hommes.
Un survivant des événements raconte…
« Son regard nous paraissait si farouche, dirent-ils, que nous le regardions en tremblant comme des soldats craintifs qui reçoivent des ordres sévères de leur capitaine. »
Frédéric Rolette est un marin natif de la ville de Québec, qui a fait son service militaire à bord des navires de la Royal Navy britannique. Pendant la guerre de 1812, il sert comme officier naval dans la Marine provinciale, une force navale dont les effectifs sont recrutés chez les Canadiens et qui sert dans la flotte des Grands Lacs. Rolette se distingue par sa témérité lors des batailles de Frenchtown près de Rivière-au-Raisin et du Lac Érié en 1813. Après la guerre, un sabre honorifique lui est offert par ses amis et par les citoyens de Québec, en guise de reconnaissance pour ses actes de bravoure pendant la guerre de 1812. Le Musée naval, qui conserve la collection de la famille Chatillon, les descendants de Frédéric Rolette, présente ce sabre dans son exposition.
La Marine provinciale est démobilisée après la guerre et le Canada ne dispose plus d’une force navale capable de défendre ses eaux territoriales jusqu’en 1855. Cette année-là, des mesures sont prises pour contrer la pêche illégale menée par les pêcheurs américains dans les eaux canadiennes. Le ministère des Pêcheries décide d’armer quelques voiliers afin de protéger ses ressources halieutiques, créant ainsi la première force navale du Canada.
Ces équipages constitués de civils, auxquels on donne des tâches habituellement réservées aux navires militaires, sont peut-être ce qui se rapproche le plus d’un ancêtre de la Réserve navale. Le plus célèbre de ces voiliers est sans doute la goélette La Canadienne, commandée par le docteur Pierre-Étienne Fortin. Juriste et politicien, il est aussi capitaine pour la Marine des pêcheries. Le succès de ses patrouilles à bord de La Canadienne, ainsi que son rôle social important, lui conférera le surnom du « Roi du Golfe ».
À la fin du 19e siècle, la Marine des pêcheries constitue une véritable flotte navale canadienne. Elle est démobilisée en 1910, lors de la création du Service naval qui deviendra la Marine royale canadienne. Pendant la Première Guerre mondiale, le Royal Naval Reserve de Terre-Neuve joue un rôle clé dans la défense du Canada et participe même au débarquement de Gallipoli en 1915. Il s’agit de la première expérience canadienne avec corps naval professionnel de réserve.
C’est sur la base de ces expériences concluantes que viendra l’idée de créer un corps permanent de réserve navale en 1923.